Un carnet en 2011
2011-02-10
Il est midi. Pause. Je marche dans la ville lentement, très lentement même, pour mieux voir ce qui m'entoure, ce que font les gens et où ils vont. Avant de retourner sur l'île, je longe le quai Flesselles. On y fait des travaux. Le bitume écorché laisse apparaître les pierres de l'ancien quai, recouvert il y a quelques soixante-dix ans. Je l'imagine encore intact sous mes pieds. Des archéologues font des fouilles — trop brèves — avant de refermer le tombeau.
Le quai n'a plus chauffé au Soleil, ni senti la Loire passer au rytme des marées, depuis l'époque à laquelle le fleuve fut comblé. Combler un fleuve, est-ce immaginable ? et le plus grand encore ! Je n'ai pas connu le visage de la ville d'autrefois, ni n'en connais de témoins vivants (il ne doivent plus être nombreux !), juste de vieilles photos en noir & blanc qui ne cessent de me fasciner dans les livres. Mais je connais la Loire. Je sens cette mutilation que je ne comprends pas.
Je fais quelques photos. Et puis soudain une émotion. L'amorce d'une diagonale, celle des pavés qui descendent vers la Loire ! Je trace une ligne imaginaire qui tombe à l'embouchure de l'Erdre. Suis-je donc le seul imbécile ému par ce passé qui refait surface ?
Ce soir, le nez plongé dans quelques livres et cartes postales je raccorde un instant les époques avant que la plaie ne se referme. Ces pavés qui descendent, ils sont là, au fond, à gauche du pont au Soleil, sous l'exacte croisée des diagonales de cette vieille photo.