Un carnet en 2011

Tout photographier

2011-05-25

murDans la nuit de lundi à mardi la compagnie Royal de Luxe a commencé son intervention artistique dans les rues de Nantes. Un énorme pan de mur, comme arraché d'un hôtel particulier de l'ile Feydeau ou du quai de la Fosse est "tombé" du ciel pour se ficher place de la Bourse.

Le mur est orné d'une très belle fresque dans un style naïf, fourmillant de personnages et de scenettes détaillées.

Les passants braquent leur regard sur le paysage peint. Ils sont nombreux, ils viennent avec leurs enfants aussi en ce mercredi. Ils braquent aussi en nombre leur appareil photo, leur téléphone mobile. Cela me laisse perplexe ; pourquoi vouloir toujours tout photographier désormais ?

Comme pour les précédentes manifestations du "Royal" (mais cela vaut pour beaucoup d'autres), les Flickr et autres Picassa vont regorger d'images sur le sujet. En fait, ils en regorgent déjà.

Beaucoup de personnes prennent l'image plus où moins compulsivement pour signifier simplement "j'y étais, je l'ai vu". Le fameux "ça a été" de Roland Barthes (cf. la chambre claire : note sur la photographie, 1980).

D'autres, équipés d'appareils plus "sérieux", donnent dans le reportage, la belle image. Je présume qu'ils sont venu exprès avec leur reflex, et je ne peux m'empêcher de penser que dans le flot d'images qui sera publié, ils viennent faire une certaine photo de leur ego (lorsque l'image sera publiée), ou du moins une autre photo que celle qu'ils croient faire (mais laquelle ?).

Et puis dans ce flot d'images, je reste perplexe à nouveau : des centaines d'images identiques de "j'y étais" et probablement presqu'aucun écrit pour communiquer l'émotion ressentie. Les centaines de jpeg ne diront que leur propre nombre.

Ce soir, en sortant du bureau, j'ai flâné jusqu'à la place de la Bourse. J'ai voulu photographier ma perplexité, "j'y étais" moi aussi.