Un carnet en 2016

Violence des injonctions

Rédigé le , publié le .

C’est samedi, alors j’écris.

Ce que j’ai fuis en cessant d’utiliser Twitter (entre autre du moins), je continue à le croiser au quotidien, ici et là, à l’écrit, à l’oral, sur écran et dans la rue : c’est le jugement rapide, la réaction, l’opposition, la critique gratuite, l’injonction. Je ne tiens plus la charge, alors je la fuis, pour retrouver un calme intérieur et me protéger.

Tiens, prenons une expression qui me touche souvent : « n’hésitez pas à… ». Que dit-elle, à qui et comment ? Elle dit, dans une forme négative (ne pas), que la personne à qui elle est adressée est hésitante (n’ose pas, ne sait ou ne peut choisir. Dans notre société, l’hésitation n’est pas un comportement très positif), et qu’on lui intime l’ordre (impératif présent), l’autorise à (était-elle empêchée ?) faire, dire, penser, quelque chose.
En communication non violente, ce genre d’expression est davantage un mur qu’une fenêtre. La charge est entièrement déportée sur le destinataire, et de façon plutôt négative. Qu’à exprimé l’émetteur de ses attentes, ses émotions ? Pas grand-chose.

Marshall B. Rosenberg dit dans son livre Les mots sont des fenêtres, que « nous disposons souvent d’un lexique bien plus riche pour qualifier autrui que pour décrire clairement nos propres émotions » (p. 58). Cette expression en est pour moi un exemple.

Je sais que la plupart du temps, ceux qui l’emploient le font inconsciemment, par automatisme, par effet de mode, parfois comme signe d’appartenance à un groupe. Il n’en reste pas moins que les mots ont du sens, qu’ils nous façonnent et façonnent l’autre.

Pour ces différentes raisons, j’emploie rarement cette expression (je me prends pourtant parfois à le faire). Je lui préfère « je vous invite à », que je trouve positive, accueillante, sans jugement, et tournée vers la liberté créatrice de la personne à qui elle est destinée.