Plage de Suscinio

J’étais sur cette plage hier à peine, à un peu plus de cent kilomètres de chez moi. Entre deux nuages menaçants, la lumière était superbe et le vent soufflait fort à saouler. Le sable n’était pas très fin, mais il était propre et l’eau très claire. Il n’y avait presque personne sur l’immense plage de Suscinio. Une ligne de goémon séchait à la limite que la marée précédente avait tracé. Et entre quelques étoiles de mer aux bras recroquevillés, des os de sèche brisés et carapaces de crabes vides et désarticulées, en me penchant un peu, je notais la présence de menus morceaux de plastique. À l’aide d’un morceau de bois, je commençais à les chercher au milieu des algues et, plus je regardais le sol, plus j’en trouvais ; de l’emballage de sucette aux bouts de cordages nylon, en passant par les mégots de cigarette, du fil de pêche fin, vert fluo, et même une sorte de leash noir, totalement dissimulé dans le végétal de même couleur. De petits bouts de plastique dur, cassés, également, dont je n’aurais pu dire d’où ils provenaient : jouets d’enfants, bâton de sucette ou matériel marin sans doute. Sans se pencher vers le sol, on aurait pu dire que la plage était très propre, presque vierge même. Je pense même que c’est ce qu’on doit en dire. Je connais d’ailleurs des plages plus proches de Nantes, vers Pornic, sales comme des parkings de supermarchés.

J’ai regretté de ne pas avoir eu de sac pour soustraire ces quelques déchets au paysage. L’environnement souillé partout, en permanence, dans lequel nous vivons m’est de plus en plus difficile à supporter. On ne veut pas le voir et préfère s éblouir avec de belles images, mais c’est une réalité : il n’y a plus un seul coin de nature duquel on ne peut rapporter un déchet. Plus aucun. Et très souvent ce déchet est un plastique, un mégot (principalement plastique lui aussi), une capsule de bière, une canette d’aluminium (parce que les gens aiment bien boire des bières et fumer des cigarettes dans des lieux sympas au coucher du soleil). En fait, cela fait des dizaines d’années que l’on ne veut pas voir cela, que l’on n’a surtout pas conscience de vivre ainsi, dans un à peu près propre, dans une pollution visuelle tolérable mais insidieuse. Les villes sont pires puisqu’on y tolère encore davantage de déchets, sans doute au prétexte que la communauté prend en charge le nettoyage des rues ou qu’il n’y a aucun écosystème vivant à y protéger. Et puis de toute façon, le déchet sera subtilisé à notre regard et notre odorat, comme s’il n’avait jamais existé. On ne se révoltera pas.

Cet été, combien de belles images rapportera-t-on de la plage ? et combien de déchets ?