Plastique-plage
Plage de Donnant, Belle-Île, il y a quelques jours. Je ne peux plus ne voir que les cartes postales, de moins en moins d’ailleurs. Je date cela de l’époque où, dans la très belle (et disparue) revue Camera International (en l’occurence le no 26 de l’été 90, sur lequel je viens de remettre la main pour vérifier), j’avais vu une photographie (en fait deux, mais surtout l’une d’elles) de Richard Misrach, issue de la série Dead animals. La tête d’un cheval, mort, dents dehors, à moitié enseveli dans un sable ocre. Allez savoir pourquoi cette image agit alors comme un déclic dans mon parcours photographique. Sans doute le choc entre l’esthétique très soignée et un sujet de photo-reportage, politique, sociologique. Bref, qu’importe, cette image, depuis, revient régulièrement dans ma mémoire. Quelque 28 ans après (pfiou !) c’est un de mes repères.
Plage de Donnant donc. Il m’était impossible d’en profiter pleinement sans en retirer quelques déchets, une habitude désormais. Autant la plage était immense, autant je fus surpris de récolter autant de plastiques dans un si faible rayon autour de nos serviettes. La moindre poignée de goémond cachait des lambeaux de filets de pêche et partout de petits brins d’un beau bleu-vert turquoise sortaient du sable. Ce type de ficelle synthétique est très répandu.
Et puis constater, comme de nombreux articles le disent déjà, la présence de granules de plastiques, très petits qui seront à jamais impossibles à récupérer. Je n’y avais pas prêté attention jusqu’à aujourd’hui. Ces granules se trouvaient en nombre, plus faciles à trouver sur du sable humide, semblables à de petits œufs et que certains animaux (poissons, oiseaux) prennent pour tels et ingèrent, avec les conséquences que vous savez.
Je sais que mon geste individuel est dérisoire face aux quantités pharaoniques de plastiques disséminés dans la nature, face au 7e ou 8e continent. Mais que faire d’autre !? Fermer les yeux et profiter de la carte postale tant qu’elle ne s’est pas encore jaunie et déchirée ? Laisser le problème, ou au moins la conscience et la responsabilité du problème aux suivants ? Alors écrire ce billet, inviter à inscrire ce genre d’action, même dérisoire (et surtout si elle est dérisoire, car si l’on est incapable de dérisoire, d’infime, de quoi sommes-nous capables ?), dans le quotidien de chacun. Profiter des lieux et en prendre soin, en être responsable. Se prendre à imaginer que dans l’esprit d’un flâneur, le type en maillot de bain qui ramassait des bouts de plastiques de façon incongrue sur la plage interpellera quelque-part.