Ce mardi soir encore, au journal télévisé de France 2, j'entends un artiste de plus (Yves Duteil) s'exprimer brièvement au sujet du piratage musical, son impact économique néfaste, etc.

Yves Duteil, comme de nombreux artistes, fait la comparaison - désormais bien répandue - de la baguette :

Copier illégalement une chanson sur internet c'est comme entrer dans une boulangerie, prendre une baguette et ressortir sans la payer. Très rapidement la boulangerie se vide !

Cette comparaison simple, vise à marquer l'esprit et faire passer l'idée que télécharger un morceau de musique (la baguette) sans rétribuer son auteur (le boulanger) mène à la cessation d'activité (la boulangerie fermée).

Si je suis d'accord avec le principe que tout travail mérite salaire (en l'occurrence pour l'artiste qui vit de son œuvre), la comparaison est néanmoins très inappropriée.

Démonstration par l'exemple même de la baguette :

Vous ne le savez peut-être pas mais à mes heures je suis boulanger :-)
Je confectionne des baguettes (numériques) que je distribue sur Internet.

A vrai dire, je n'ai confectionné qu'une seule baguette (à l'instar du chanteur, une chanson, un album,...).

Vous trouvez cette baguette dans ma petite « boulangerie ».

J'invite les internautes, et tout particulièrement les artistes utilisant la comparaison de la baguette à prendre l'unique baguette de ma boulangerie et la rapporter chez eux (c'est-à-dire l'enregistrer sur leur ordinateur).
Je vous encourage même à l'afficher sur vos sites web pour bien montrer que vous vous êtes servi :-)

Je n'ai qu'une et unique baguette, et je vous mets au défi de vider ma boulangerie !

Bien évidemment c'est peine perdue, la comparaison avec une boulangerie « réelle » s'avère mauvaise.

Pire ! Elle met en évidence la méprise faite (par les artistes eux-mêmes !) entre deux systèmes :

  • celui, matériel, quantifiable, du boulanger qui se lève chaque matin pour faire une nouvelle fournée ;
  • et celui, immatériel, œuvre de l'esprit, de l'artiste qui enregistre une seule et unique fois un album pour le vendre à des centaines/milliers/millions d'exemplaires via - potentiellement - de multiples supports... dont Internet !

Dès lors, pourquoi nous faire croire - à travers l'image (simpliste ?) de la baguette - que nous vidons la boulangerie, alors que, virtuellement, celle-ci est toujours pleine ?

Nous ferait-on prendre des vessies pour des lanternes ?!