En écho au propos de Stéphane sur son billet Les gens pressés.

Changement d'échelle. Ici ce n'est pas le métro parisien mais le tramway nantais. Mais les comportements sont sensiblement les mêmes, à la différence que si le tram est bondé, je peux toujours avancer quelques arrêts à pied, à ciel ouvert, là où le métro est une boite de sardines fermée (et que les sardines sont vivantes dedans !).

Je ne pratique plus l'Aïkido pour l'instant, mais le dojo étant partout (et pas seulement la salle avec les tatamis et les bonhommes en noir et blanc), je pratique de temps à autres dans le flux humain quotidien. L'Aïkido propose de ne pas aller contre, de laisser passer. J'ai un besoin personnel de pratiquer ce point. Avant d'être une réalité physique, c'est une disposition d'esprit. Pas évident. C'est la force contre la souplesse, l'eau qui contourne le rocher. Alors dans le flux humain, je m'efforce de laisser passer, jusqu'à en devenir un petit jeu rigolo même. Je vais jusqu'à laisser passer des tramways entiers s'il le faut !

Et puis oui, la compassion effectivement. Je crois aussi que beaucoup de gens n'ont pas conscience de leur corps, de leurs mouvements. Ils restent enfermés dans leur esprit, le corps n'étant alors qu'une vulgaire bagnole servant à se déplacer (voire une auto-tamponneuse). Je me dis souvent que ceux-là bousculent sans s'en rendre compte, et que cet aspect de la vie ne leur importe pas tant que ça non plus (sauf lorsque leur corps se mettra à parler et en aura marre de servir de bagnole).

J'avais autrefois griffonné un petit billet intitulé Laisser passer. Il rejoint ton propos Stéphane. Il s'agit de pratiquer le petit exercice suivant : marcher derrière soi. Impossible et absurde me diras-tu ! Pas si sûr. Il permet de se rendre compte à quel point l'on marche souvent devant soi – l'esprit toujours dans le futur immédiat, la colonne vertébrale légèrement inclinée vers l'avant – et rarement au milieu ou derrière soi, dans l'instant présent finalement.

Et puis enfin, je repense au manuel d'Épictète (version d'André Dacier que je préfère) et au Hagakure. Je te renvoie à la lecture des chapitre IX et chapitre XXIX du premier, et au passage sur « l’attitude pendant l’orage » du second.